Le Waranà, l’Œil de la forêt

Warana

Végétal mythique et mystique d’Amazonie, le Waraná est le nom d’origine de la plante connue internationalement comme le guaraná (Paullinia cupana H.B.K var. sorbilis [Mart.] Ducke de son nom scientifique). À l’origine, c’est une liane sarmenteuse (Sapindaceae) qui fut domestiquée en arbuste, dans les temps précolombiens, par les ancêtres des Indiens Sateré Mawé, alors appelés Mawé. En langue Sateré Mawé, Wara’ná signifie « le principe de la connaissance ». Lorsque les portugais colonisèrent le Brésil aux 16ème et 17ème siècles, ils déformèrent le nom de la plante en guaraná, n’ayant pas le son wa dans leur alphabet. Après l’indépendance du Brésil au 19ème siècle, la culture du guaraná se métissa puis s’étendit à tout le pays-continent, où cette dernière est encore aujourd’hui presque exclusivement localisée. Ses produits dérivés ont depuis conquis le monde entier sous la forme de boissons gazeuses, énergisantes et compléments alimentaires.

Le guaraná contient des méthylxanthines composées de guaranine (molécule isomère à la caféine, à hauteur de 4 à 5 %), principe actif qui agit comme un puissant dynamisant physique et intellectuel, de la théobromine et théophylline induisant un effet positif sur l’humeur, comme dans le cacao et de l’acide acétylsalicylique lui conférant un effet anti-céphalées, comme dans l’aspirine. La plante contient aussi 10 à 12 % de tanins et 1 % de saponines qui agissent comme protecteurs des parois vasculaires, permettant au corps d’absorber lentement les principes actifs suscités, sans effet d’excitation. La combinaison d’alcaloïdes toniques avec des molécules protectrices et relaxantes (les tanins) est unique dans la famille des végétaux psychoactifs. De plus le guaraná est riche en oligo-éléments : potassium, phosphore, silice, magnésium, calcium, manganèse, fer et zinc, ainsi qu’en vitamines : PP, B2 et B1, contribuant ainsi la mémoire, à l’équilibre nerveux et à la résistance au stress. Le guaraná a aussi démontré avoir une action protectrice sur les lésions gastriques et les endommagements de l’ADN induits par la diethylnitrosamine qui est à l’origine des tumeurs. En somme le guaraná a des propriétés dynamisantes, stimulantes du système nerveux central, activatrices du métabolisme (lipolytique et coupe-faim), antidépresseures, tout en étant chimiopréventif et antifongique. L’exceptionnelle durée de vie des habitants de la ville de Maués, connue comme la terre du guaraná en Amazonie brésilienne, est attribuée au guaraná.

Le Waraná est traditionnellement consommé en boisson glacée. Les boissons chaudes à base de guaraná n’ont que peu d’intérêt nutritionnel et phytothérapeutique car lorsque le guaraná est brûlé ses tanins disparaissent, et la plante peut alors devenir excitante, ce qui est aussi le cas des guaranás de mauvaise qualité. D’où l’importance de la qualité du produit (idéalement en totum) et de l’origine de sa filière, garantissant la transformation traditionnelle indigène au cours de laquelle les graines de guaraná sont séchées à basse température dans des fours en argile.

Les Indiens Sateré Mawé se considèrent être les fils du Waraná : dans un de leur mythe fondateur, le premier homme Sateré Mawé naquît en même temps que la première liane de Waraná. Celle-ci fut plantée par Onhiamuaçabê, la première femme du monde, qui énonça alors une prophétie : le Waraná soignera les humains de nombreux maux, leur prodiguera de nombreux bienfaits et sauvera la communauté des Mawé puis l’humanité entière. Les Indiens Sateré Mawé mènent, aujourd’hui, le Projet Waraná, qui vise à organiser un ethno-éco-développement intégré de leur tribu et de leur Terre Indigène située en Amazonie centrale du Brésil, ainsi qu’à garantir l’autonomie de leur peuple grâce à la valorisation économique de leurs produits de jardins-forestiers, certifiés Forest Garden Products (FGP). Dans le cadre du Projet Waraná, les Indiens Sateré Mawé mettent en place de nombreux programmes de revitalisation culturelle de la Terre Indigène, la replantation en biodiversité d’espèces endémiques dans le cadre de la Foresterie Analogue (une méthode de restauration des écosystèmes), la mise en place d’une Université Indigène appelée la Libre Académie du Wara (LAW), l’application de l’éducation et la santé différenciées garanties par les articles 231 et 232 de la Constitution brésilienne, entre autres. En 2019, ils ont même obtenu une Denominação de Origem (D.O., Dénomination d’Origine), la plus haute indication géographique au Brésil, la première pour un peuple amérindien, afin de distinguer définitivement leur Waraná des guaranás communs (un peu comme le champagne ou les grands vins de château, qui sont incomparables avec des vins de tables). Pour les Indiens Sateré Mawé, le Wara’ná engendre des belles paroles : il est un conseil, leur plus ancienne autorité, comme un ancien sage de la tribu qui leur apporte la connaissance et le savoir. D’après eux, la prophétie est en train de se réaliser.